• Où sont-ils ?

     

     

     

    Ma partition n’a plus de clef...Celle du sol de sole mio s’est dérobée ainsi que celle du fa …fabuleux. Et puis avec le LA qui donne l’accord parfait, les notes se sont envolées vers d’autres cieux. Plus de bémols, plus de dièses…plus de croches ni même de demi-croches, plus de noires ni de blanches. Plus une ronde…plus de ton, plus de demi ton…plus d’ondulations, de décrescendo à crescendo.

    Or, sans harmonie, je ne peux plus composer ni interpréter. Seul, un silence suspendu s’obstine à ne pas la quitter abandonné lui aussi par la pause éphémère.  La musique n’est plus…plus de symphonie même pas un adagio !

     

    Il en est de même de mes correspondances…pages blanches. Il ne me reste donc que la poésie, pour tenter d’enchanter mes mots.

     

     Je ne vous parle pas de mes mots qui fouettent les consciences, qui s’entrechoquent et choquent, qui dénoncent, ironisent. Ces mots tapageurs et indociles sont si faciles.  Non, je vous parle de ceux que je ne peux plus écrire, les plus beaux, les plus ambitieux et les plus précieux car uniques.  Ils bercent l’âme, enflamment son écrin, irradient le corps, les font vibrer et chavirer. Ils nous emportent au-delà de la page, traversent l’espace, brisent toutes les barrières, les interdits, l’impossible,  pour trouver leur écho…Or, sans cet écho, ils ne valent rien, ils n’ont plus lieu d’être. Mes pages sont comme la partition désertée, vides de leur essence. Aussi je pleure car ils se meurent…et avec eux, meurent l’âme, son écrin et le corps… leur coffret.

     

    Où sont-ils mes mots fous et joyeux, parfois drôles et fripons,  mots suaves et voluptueux, remplis de cette saveur indescriptible et sensuellement parés de cette couleur si belle, indéfinissable…ces mots qui riment avec extase…? Ces mots que je conjugue, à présent, au passé, me donnaient des ailes ainsi qu’à ma Muse, lors, complice… où sont-ils donc ? Je les cherche au fond de ma mémoire, je les devine et les entends, parfois encore, mais ils sont si flous et inaudibles, si loin maintenant que je ne parviens plus à les atteindre…Ils ne peuplent plus mes songes. Ils n’ont plus cette lumière qui m’éclairait l’esprit et me guidait tel un phare au milieu de la nuit. Ils sont là-bas, dans cet ailleurs inaccessible désormais.

     

    Savez-vous ce qu’est ce bonheur d’écrire Ses mots uniques  jamais partagés auparavant, pas même avec vous…jamais ? Des mots qui, en apparence, n’ont aucune valeur car ils ne sont pas marchandés, calculés, répertoriés, classés…ils n’ont qu’une empreinte, qu’une seule voix, qu’un seul chant, celle de l’Amour  … Je les ai offerts, d’abord à mots couverts, puis à demi-mots,  puis entièrement avec toute mon âme et mon cœur…sans arrières pensées et sans compter.  Ils sont donnés point au bas mot, ils ne m’appartiennent plus : mon plus beau cadeau, et, je n’ai aucun regret. Les sirènes ont été plus fortes qu’eux…mes mots ne sont pas de ce monde-là, ils ne chantent pas pour piéger leur écho, ils sont authentiques, et leur musique ne souffre aucune fausse note.

     

    Alors…alors, je n’ai plus d’état d’âme. Ainsi,  mon cœur en est dépouillé, vide d’un vide abyssal sans fond. Un jour peut-être, peut-être  naîtront d’autres mots qui trouveront écho et viendront le combler. Ils ne seront pas tout à fait les mêmes…ni les mots, ni l’écho…Et sans doute ne les offrirai-je plus… de même…

     

    Il ne me reste que la poésie…

    Le 27/11/2013


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  • Destination inconnue (petit délire)

     

     

     

     

    A l’aéroport, à deux heures du départ, Armande décide de changer de destination… elle souhaite disparaître…changer d’identité…se débarrasser du passé…et tout en poussant son caddie…délire dans sa tête :

     

    Le caddie, râle :

    « Ô paquetage ! Tu rimes si bien avec bagages et voyage. Bagages…vous n’avez de cesse de m’alourdir de jour en jour ! Ceci dit, au passage, toi voyage, tu m’invites à regarder de près mon âge…vois âge…Pfff ! Mazette ! Je suis sans âge, pas sage et me fous bien de la route à suivre…toujours poussé malmené…Allez ! débrouillez-vous sans moi ! Mes petites roulettes s’usent et j’en ai assez de vous !...je ne bouge plus ! »

     

    Le paquetage, serein :

    « Allons allons…reste donc bien calme Caddie…contente-toi de ce pourquoi tu vis ! Tu veux capituler ? Finir à la décharge déjà ? Vois comme tu me rends bien service…il pleut des cordes ! En échange de ton aide, je t’apporte un soutien : tu seras, grâce à moi, mis à l’abri …les effets que je porte ainsi que les bagages ne peuvent être embarqués trempés ! Or le voyage c’est pour la vie ! Je t’invite à nous menotter à toi, ainsi tu nous suivras…tu ne seras pas déçu !...tu nous seras bien utile et nous te le rendrons va ! »

     

    Les bagages, sur un ton mordant :

    « Hey oh ! Paquetage ! Tu pourrais peut-être nous demander notre avis !? Depuis quand un caddie prend des décisions et nous accompagne ? Il doit nous supporter dans la difficulté comme dans la facilité, ici et pas ailleurs ! Ah mais c’est insensé voyons ! Se faire embarquer en fond de cale avec ce caddie atrabilaire ! Et toi voyage, tu ne dis rien ? Tu acceptes cela sans mot dire ? C’est le comble ! »

     

    Voyage est en pleine méditation…il les écoute d’une seule oreille.

    « Je peux très bien poursuivre sans vous, vous savez… Qu’ai-je donc à faire de votre fumeuse dispute ? Je n’ai qu’un seul but…parvenir à bon port et, tant qu’à faire, dans une bonne ambiance !  Tenez…voyez ces humains comme ils sourient ! Allons, un peu de patience les amis… »

     

    « Patience, patience ! » dit le caddie… « Je ne fais que ça ! Patienter au sous-sol qu’une bonne âme vienne me prendre…en priant qu’un sale môme ne me martyrise pas avec ses maudits coups de pieds ou me salisse avec  ses couches culottes qui débordent…patienter devant les taxis …ceux-là ne m’en parlez pas…patienter au pied de l’escalator…patienter…à l’embarquement…au débarquement… »

     

    Les Bagages lui coupent la parole :

    « Non mais écoutez-le avec sa litanie …et il se paie le luxe d’y mettre une magnifique épanalepse…Et nous alors hein ? Ballotés, jetés, entassés, empilés…ficelés…bourrés à nous faire exploser… nous allons de bras en bras…que l’on ne choisit pas hein !..sans aucune considération…une étiquette à notre anse…qui souvent reste accrochée à vie…Et sans parler du nombre de fois où l’on nous égare ou nous abandonne ! Tu ne connais pas ta chance Caddie…une fois que tu es débarrassé de nous…tu retournes auprès des tiens, sagement. Tu n’as pas à t’en faire… »

     

    Voyage en a tout à coup assez de les entendre geindre… 

    « Paquetage, concentre-toi sur ton utilité première…protéger les effets  de ta voyageuse…Quant à vous bagages…vous devriez vous alléger …puisque vous vous plaignez d’être surchargés…laissez-vous tomber à terre…Votre voyageuse comprendra, j’en suis certain, qu’elle n’a pas besoin de tout emporter. Vous lui rendrez service…Et si vous ne vous calmez pas, je vais sortir mon arquebuse et vous montrer de quel bois je me chauffe…J’en ai assez ! »

     

    Armande, dans un état second, sourit à l'hôtesse qui l'invite à la suivre…entre temps, elle a échangé son billet pour une autre destination…sur un vol lambda…et sans état d’âme, abandonne caddie…bagages…garde son paquetage et embarque toute légère…pour un voyage vers l’inconnu.



    (publié sur le jet d'encre, le 22/10/2013...

     


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